J'y vais. Plantons le décor.
Paris. Début octobre 1979. Je suis admise dans cette école d'ingé, et je retrouve certains de mes camarades de classes prépas de mon vieux lycée provincial, ainsi que d'autres étudiants avec qui j'ai sympathisé au printemps précédent, lors du passage des concours. Au moment de s'installer pour cette première heure de cours, le petit groupe de cinq ou six que nous formons prend place sur une rangée, pas trop au fond, on n'est pas des cancres, pas tout à fait, ou du moins on ne veut pas être catalogués comme tels. Mais pas tout devant non plus, on n'est pas des fayots. Et puis devant, on est quand même en première ligne de mire du prof. Non non, la meilleure rangée, la plus peinarde, c'est la troisième.
Devant moi, juste devant, un grand. Tellement grand que malgré le dénivelé de l'amphi, je suis obligée de me pencher à droite, à gauche, re- à droite, re- à gauche pour essayer de voir le tableau (oui, oui, cela m'arrivait parfois...). Et comme j'étais (je suis encore) une fille bavarde et rigolarde, eh bien, notre rangée n'était pas triste, et ça papotait et gloussait pas mal. Et lui, il se retournait souvent pour voir qui déclenchait si souvent l'hilarité. Il faut dire qu'il y avait peu de filles dans la promo (7 filles sur 150 étudiants, nous étions les bêtes curieuses, forcément qu'il se retournait...)
Et puis, il a sympathisé avec la bande, a reculé d'une rangée aux cours suivants. Il n'avait pas encore trouvé de logement en ce début d'année scolaire, zonait en auberge de jeunesse, alors, il s'est mis en colloc avec un de mes potes. Et puis, hasard de l'alphabet, nos noms de familles se suivaient presque, donc on était dans les mêmes groupes pour tous les TP, TD et autres projets.
Et voilà, c'était il y a trente ans déjà ....
Qui a dit qu'il fallait forcément un coup de foudre romantique pour faire une union harmonieuse et durable malgré les bourrasques et les orages passagers ?