Au Québec, près de Montréal, le conseil tribal des Mohawhs de la réserve de Kahnawake a décidé de l'expulsion de leur territoire des blancs qui y étaient installés, même si ceux-ci étaient les conjoints d'indiens. Il a également voté dans un second temps l'expulsion des métis dont le pourcentage de sang indien serait inférieur à 50% (principalement des jeunes et des enfants). Apparemment, les raisons évoquées seraient celles de la préservation de la culture, mais aussi de l'exigüité du territoire.
Je ne jugerai pas du bien-fondé culturel ou patrimonial de cette décision. Il y a juste une histoire qui me chiffonne et qui rejoint celle du grand voisin à la bannière étoilée et au pygargue à tête blanche : c'est que pour le mohawk, l'homme à moitié blanc et à moitié indien est assimilé indien, alors que pour l'américain (comme pour l'européen d'ailleurs), l'homme à moitié noir et à moitié blanc est considéré comme noir. Même leur nouveau président. Selon le raisonnement du brave fermier du Middle West, Barrack Obama serait noir, mais en transposant la logique indienne des mohawk, il serait blanc. De même Yannick Noah, sans doute le métis le plus connu et le mieux apprécié des français, raconte qu'arrivé au Cameroun à l'âge de trois ans, il était pour les autres enfants le petit blanc, alors qu'à dix-sept ans, de retour en France, il était le black des courts de tennis. Question de point de vue.
Alors, je me pose une question : en-dessous de quel pourcentage maximum de "sang noir" est-on considéré comme blanc ? À l'époque pas si lointaine où l'on avait érigé l'esclavagisme au rang de modèle économique colonial existaient les termes horribles de mulâtre, quarteron et octavon qui définissaient ce pourcentage en fonction de l'hérédité et déterminaient les droits d'un individu, même le plus essentiel : celui à la liberté. Mais on sait bien qu'un père nourricier n'est pas forcément un géniteur. On sait également que dans une fratrie d'enfants métis ayant les mêmes père et mère, certains enfants ont davantage les caractéristiques génétiques de leur père et d'autres celles de leur mère, avec des cas extrêmes ; la presse se fait souvent écho de cas étonnants de jumeaux dont l'un est blanc et l'autre noir. L'apparence physique n'est donc pas davantage que la généalogie officielle un facteur fiable de détermination de ce taux de sang noir ou indien, et l'on ne va pas dresser le génome de chaque individu en guise de carte d'identité. En fait, on n'est pas si loin, quand on parle de pourcentages de "sang" et de pureté de race, de l'eugénisme prôné et pratiqué entre autres par les nazis pendant la seconde guerre mondiale.
Par ailleurs, en termes scientifiques, la pureté de la race est une erreur qui aboutit à des aberrations génétiques, la consanguinité favorisant l'apparition de tares physiques qui pourraient n'être que latentes si le facteur qui les déclenche n'était que récessif. Tout le monde connaît des mémères à chien de race qui sont fourrées toutes les semaines chez le vétérinaire, alors que celles qui ont des petits corniauds n'y vont que pour le rappel de vaccin annuel. En ce domaine, l'homme n'est guère différent de l'animal.
Il est logique et normal qu'on ait une histoire familiale, nationale, culturelle, religieuse, différente selon les individus et ces échanges sont même des facteurs d'enrichissement humain mutuel à condition que chacun fasse montre de tolérance envers autrui. Mais qu'on fustige, harcèle, agresse, bannisse quelqu'un parce qu'il n'a pas la bonne couleur de peau et/ou le bon arbre généalogique, c'est aussi arbitraire et absurde que lorsqu'au Moyen-Âge on brûlait les roux en les accusant de sorcellerie. C'est un truisme dont certains ne sont toujours pas convaincus, mais que l'on soit maori, descendant des vikings ou bushman, on est tous à cent pour cent humains et le sang qui coule dans nos veines est indifféremment rouge.