Il est sans doute surprenant de parler d'un film en louant d'abord sa bande sonore, et pourtant... Dès les premières minutes on se dit que ce film nous plaira au moins pour un truc, la B.O. à commencer par Have Love Will Travel des Sonics.
Tournée n'est pas un film sur le strip-tease ou le new burlesque, même si c'est le cadre du film : un producteur français joué par Amalric dans le rôle de Joachim Zand qui emmène une troupe de strip-teaseuses américaines dans une tournée un peu miteuse dans les ports français : Le Havre, Nantes, La Rochelle, Toulon ... Pas vraiment miteuse d'ailleurs, car le spectacle est de qualité, quoique non conventionnel. Calamiteuse, plutôt. Il leur a promis une clôture de tournée à Paris comme une apothéose, or son contact parisien se dédit à la dernière minute. Plus de salle parisienne.
À ce propos, quand Amalric et ses girls parlaient dans leurs interviews d'effeuillage par des femmes pour des femmes, je ne comprenais pas vraiment le concept. Mais à l'image tout est clair. Celles qui se déshabillent dans le film sont des femmes (presque) comme les autres. Elles ont leurs rondeurs, leurs "défauts" physiques, sont à des années-lumières des filles du Crazy ou du Lido. D'ailleurs, la plus "standard" de toutes, la plus "dans la norme", une belle et mince jeune femme brune est la plus complexée, la seule qui n'arrive pas à tout enlever sur scène. Il y a une question que je me posais et à laquelle je ne pouvais répondre, c'est : Mais sont-elles bandantes ? Mon cher époux m'affirme que sans aucun conteste elles le sont. Et à sa question : Mais qu'est-ce qu'elles lui trouvent donc au personnage de Joachim ? je lui réponds qu'il est touchant et craquant, ce qui ne manque pas de le laisser perplexe, car pour lui, ce type est plutôt un salaud issu du monde du showbiz et de la télé, un mauvais père, et il le trouve plutôt physiquement quelconque ...
Ce n'est pas non plus un road-movie dans le sens initiatique du terme, car même si tous les ingrédients en sont réunis, les héros n'apprennent pas grand chose sur eux-mêmes.
Non, c'est un film sur la solitude des artistes pendant une tournée : les enfants, les conjoints manquent, le décalage horaire fait que l'on tombe sur les répondeurs téléphoniques de ses proches, on traverse un pays, des régions que l'on n'a le temps que d'apercevoir par les fenêtres d'un train, les hôtels des chaînes, même à trois étoiles, sont impersonnels et partout les mêmes. Sauf à Nantes (il me semble) où Joachim Zand décide de loger ses filles dans un grand hôtel à l'ancienne. La scène où Ulysse, le factotum, joue de la guitare dans le salon après le spectacle pour les filles épuisées et les enfants de Zand endormis est bouleversante de nostalgie.
Mais cette solitude est compensée par le fait que les membres de la tournée forment une famille, une famille un peu obligée, imposée par le casting et les nécessités, mais une famille quand même, dont le père est Zand, père et nounou de ces femmes, père aussi des deux petits garçons qu'il est obligé d'assumer pour le week-end, dont il s'occupe comme il peut, mal, mais dont il est le vrai père en dépit de ses manques, famille un peu incestueuse, puisque l'une des filles prend bientôt une place de complice et d'amante.
Alors bien sûr, il y a du sein, de la fesse et du sexe, mais ce film est tout sauf obscène (je n'ai d'ailleurs pas remarqué de restriction quant à l'âge des spectateurs). Bien sûr, il est un peu brouillon, il y a des choses que l'on ne comprend pas très bien, comme le fait qu'à la fin du film, ils se retrouvent tous dans un hôtel abandonné de l'île d'Aix. Et puis tant pis si le scénario est un peu embrouillé et foutraque et si Amalric a l'oeil qui frise autant que sa moustache et qu'il surjoue un peu... L'image est très belle (flous des seconds plans, extérieurs nuit), le montage réussi, avec des enchaînement de plans insolites, la musique, de qualité et les personnages drôles et tendres.