Source image Olilamont sur Deviantart
Dans la pelouse jonchée de feuilles mortes d'érables, de chênes, de marronniers, au travers de ce tapis brun-gris crissant, une frêle pâquerette pointe sa tête pâle, se trompant de saison sans doute et confondant l'hiver et le printemps, prenant la nuit pour le jour, oubliant que la saison est à la mort. Et pourtant tout commence et tout finit. Le brin d'herbe, l'humble fleurette, le chêne centenaire, le bambin sur son tricycle, même le gravillon de l'allée, la goutte d'eau dans l'étang aux carpes japonaises, même l'air doux d'un automne qui a perdu son calendrier. Tout commence, tout finit, même la vie, même l'univers, même le temps. Tout finit. Tout commence.
Pas si sûr.
La question est : mais que pourrait bien être le temps avant le temps ? Que peut-il exister avant que l'existence ait un sens ? À quoi peut s'opposer le néant si rien ne lui est encore opposable ? À quoi servent les limbes s'il n'y a pas d'âmes perdues pour les peupler ?
Et s'il n'y avait pas de "rien, puis un beau jour, bing, un beau jour, bang, un univers qui naît".
S'il n'y avait pas de commencement, mais juste une probabilité d'existence, une probabilité de matière, une probabilité d'énergie. Un presque-quelque-chose-mais-pas-tout-à-fait. Comme si depuis un temps infini qui ne serait pas encore le temps, une possibilité de matière et d'énergie s'installait progressivement depuis son asymptote infinie. Une soupe primitive et primordiale non pas de ce-qui-est, mais de ce-qui-pourrait-être.
Et si dans cette possibilité d'univers, le seul fait de dire "Bing, c'est maintenant le début du temps" engendrait un monde, et que le fait de dire "Non, bang, c'est cet autre instant qui est le commencement" en créait un autre. Comme si le simple fait de décider du moment où la probabilité s'approcherait suffisamment du "un" fatidique pour transformer l'hypothèse en réalité, le possible en tangible et le peut-être en sûrement, suffisait à créer cette réalité. Comme pour le chat de Schrödinger qui n'est ni mort, ni vif, jusqu'à ce qu'un cruel scientifique sans coeur vérifie et déclenche la destinée, sorte d'Elegba laïc, Parque intransigeante.
Dans cette hypothèse peut-être pas si farfelue que ça, une infinité de mondes se superposeraient au nôtre.
Et peut-être que la pâquerette égarée viendrait d'un autre monde sur lequel ce serait déjà le printemps. (Non, là, je déconne... )