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Elle s'est écorché le genou, cogné la tête, elle a mal au ventre. La petite fille pleurniche, gémit, sanglote, hurle, selon l'intensité de la douleur, selon la quantité de sang versé, selon l'effet de surprise, selon l'envie de se faire consoler.
Le père demande ce qu'il se passe. Il attrape l'enfant, l'assied sur la table de la cuisine, l'allonge comme le ferait un médecin sur une table d'auscultation. Puis il ouvre le tiroir défendu, celui aux grands couteaux pointus, les examine un à un, choisit le plus long, le plus tranchant, le plus effrayant, celui qui sert à trancher le rôti dominical et seulement à ça sinon il ne couperait plus jamais aussi bien. Puis il demande à l'enfant : "Où as-tu mal ? Je couperai l'endroit où tu as mal. Si tu as mal au doigt, je couperai le doigt : plus de doigt, plus de mal au doigt !"
L'enfant rit, hurle de rire et de frayeur aussi. La petite fille voit bien dans l'oeil bleu de son papa le sourire qu'il essaie de camoufler. Elle connaît ce pétillement. Il n'a jamais vraiment su mentir. Mais sait-on jamais : si cette fois ce n'était pas un oeil farceur, mais un oeil virant à la folie ? Si cette fois, le couteau brandi bien haut s'abaissait pour accomplir la promesse/menace ?
Mais non. Le père a rangé le couteau dans le tiroir interdit, le tiroir aux couteaux tranchants et autres objets non contondants. Il pose mille bisous sur la plaie, sur la bosse, sur le ventre empli d'aiguilles, sur le coude qui bleuit, sur la brûlure au doigt, sur les joues de l'enfant et dans son cou tout doux.
La fausse opération chirurgicale se termine en séance de chatouilles. L'enfant se tortille comme un orvet. Le père l'attrape par les aisselles et la repose au sol avant qu'elle ne tombe de la table de la cuisine. L'enfant est guérie.
Il est trop fort, mon papa !