i am a [quasi-anagram]

Trois secondes avant la sonnerie du réveil [.]

 

  Salvador Dali - Le sommeil (1937)

 

Tu dors

Calme un sommeil serein

Je dors

Lourde une nuit trop sombre

Soudain j'entends ta voix

Clair enjouée

Timbrée, rieuse, qui dit mon nom et qui m'appelle

Qui dissout et absout les ombres

Me ramène au matin

En un instant m'éveille

Tu dors encore

D'un lent sommeil sonore

Rémanence [.]

 

Pong

Comme à chaque fois depuis ce jour-là

Borne kilométrique trois cent cinquante-quatre

Ping

Le coeur manque un battement

Respiration en apnée

Les chevaux verts rouges jaunes

En apesanteur

Voltigent au ralenti

La mémoire joue à pong.

 

 

Les deux anneaux [.]

 

Source image http://www.alijahraynell.com

Je vais vous raconter l'histoire de deux anneaux jumeaux, deux alliances de modèle identique, une grande et une petite, qui attendaient bien sagement dans la vitrine d'une bijouterie. Oh, ils n'étaient pas très sophistiqués : juste deux joncs d'or jaune bordés d'or gris, simples et dépouillés. Chaque fois que des tourtereaux s'arrêtaient pour regarder la devanture, ils espéraient être choisis, mais chaque fois, c'était la même histoire : la jeune femme voulait des demi-tours de brillants ou tout au moins des ciselures, des incrustations, des tralalas, et le jeune homme un simple anneau, autant par goût que parce que ses finances en avaient pris un coup avec l'anneau de madame. Le printemps avait passé, l'été était bien entamé, la saison des mariages se terminait.

 

Un peu anxieux, ils se demandaient s'ils allaient subir l'humiliation des soldes quand un jeune couple s'arrêta devant la vitrine, d'un coup d'oeil les repéra et pénétra dans la boutique. La fille avait flashé, ils étaient exactement comme elle les voulait. Le garçon, lui, s'en fichait pas mal. Si elle était contente, il l'était aussi. Emballé, c'est pesé.... Et par pure chance, les tailles étaient pile poil comme il fallait. Pas d'agrandissement à prévoir, pas de modèle plus petit à commander chez le fabricant : deux anneaux comme s'ils avaient été faits sur mesure pour leurs deux annulaires.

 

Ils restèrent quelques jours dans leur petit écrin, serrés l'un contre l'autre, ils n'auraient su dire combien de temps, mais pour leurs propriétaires, ce temps parut à la fois très court et très long, et enfin ils furent sortis et placés sur le coussin d'une petite fille d'honneur sermonnée pour l'occasion par sa mère : "Tiens le coussin bien droit !" et "Fais attention de ne pas les faire tomber !" et "Non, ma chérie, tu ne peux pas les garder pour jouer à la princesse avec tes copines Jessica et Adeline"....

 

Tout se passa bien. La petite fille ne les laissa pas s'échapper, ni ne fit de difficultés pour les leur donner. Le jeune marié, les mains un peu moites, réussit à enfiler l'anneau sur l'annulaire de sa promise, sans trop trembler et sans se tromper de doigt. La mariée passa l'articulation noueuse de son époux et l'anneau flottait un peu autour de la phalange. Deux bijoux pour un symbole, pour un amour qui ne demandait qu'à durer.

 

Le jeune couple s'était installé dans une vieille maison dans un coin tranquille et solitaire pour abriter ses amours débutantes et coulait des jours heureux dans l'automne flamboyant. Aux premières neiges, ils déchantèrent. La route de montagne qui desservait la maison était bien déblayée par les services municipaux, mais pas la longue allée qui permettait d'accéder à la maison, et matin et soir, le jeune homme était de corvée de pelletage de neige fraîche. Un soir, il rentra comme tous les soirs, déblaya l'entrée du chemin, ramena la voiture jusque devant la maison, entra, se changea, puis s'approcha du feu pour réchauffer ses mains frigorifiées. Et s'aperçut horrifié qu'il n'avait plus son alliance. Il fonça à la salle de bains, fouilla la corbeille de linge sale : l'alliance n'y était pas. Il se rhabilla, remit ses bottes, pris une lampe de poche et entreprit de chercher l'alliance. Deux heures plus tard, la mort dans l'âme, il renonça, ils renoncèrent tous les deux. Mais après tout, ce n'était pas grave, ce n'était qu'un bijou, un symbole, leur amour n'avait pas besoin de cela pour exister, pour se justifier, ne serait pas perdu parce qu'un anneau était égaré.

 

Du restant de l'hiver, il ne déblaya plus la neige du chemin, de peur de ramasser l'alliance dans sa pelle et de la jeter dans le tas de neige tassée et sale, et gara sa voiture le long de la route, faisant les dernières dizaines de mètres à pied. Quelques semaines plus tard, le dégel et les pluies firent fondre la neige de l'allée, et régulièrement, tous les soirs, il scrutait le gravier dans l'espoir de retrouver son anneau perdu.

 

Au début de l'été, alors qu'il avait perdu tout espoir, il vit briller un petit point jaune dans les gravillons. Sans trop y croire, il gratta un peu. Et retrouva son alliance qui s'était enfoncée légèrement dans le sol. Triomphant, il se précipita à l'intérieur en s'écriant :"Bonne nouvelle !".

 

"Moi aussi, j'ai une bonne nouvelle." répondit-elle en souriant. De ce jour, il porta son alliance à la main droite, main de droitier aux doigts légèrement plus épais. Il devait forcer pour passer l'articulation, il ne risquait plus de la perdre. De ce jour, elle s'arrondit, bien qu'elle ne mangeât plus beaucoup et vomît le peu qu'elle réussissait à ingurgiter, grossit de partout, même des mains, tant et si bien que son alliance à elle ne pouvait plus être ôtée et gênait la circulation sanguine de ses doigts gonflés par l'oedème. Elle alla chez le bijoutier faire couper le jonc. Mais après tout, ce n'était pas grave, ce n'était qu'un bijou, un symbole, leur amour ne serait pas brisé parce qu'un anneau était coupé.

 

Quand le bébé fut né, elle retourna chez le bijoutier qui ressouda l'alliance à la bonne taille de son doigt maintenant plus enrobé, à l'image de son corps épanoui. Et l'enfant grandit. Et la vie continua. Elle portait son alliance à la main gauche et lui à la main droite, et quand on leur demandait pourquoi, ils se regardaient en souriant, et répondaient :"Comme ça...", en haussant les épaules.

 

Et l'enfant devenue adulte prit son envol et quitta la maison. Et elle perdit du poids. Elle maigrit tant qu'elle craignait de perdre son alliance en faisant le ménage ou les lits, les courses ou la vaisselle. Alors, elle aussi décida de porter son alliance à la main droite. Main de droitière aux doigts légèrement plus épais, elle ne la perdait plus.

 

Il fallut plus de vingt ans pour que les deux anneaux, le grand et le petit, se trouvent à nouveau du même côté, sur la même main de leurs propriétaires. On dit que sous la peau de l'annulaire de la main gauche se trouve un nerf directement relié au coeur et que c'est pour cette raison que les époux y portent leur alliance. Mais après tout, quelle importance ? Ce n'est qu'un bijou, un symbole, leur amour n'a pas besoin de cela pour perdurer.

Le chemin [.]

LE CHEMIN

 
C'est une route étrange qui part on ne sait d'où
Une piste sauvage mais dont le sol est doux
Encadrée de grands chênes et de buissons fleuris
L'air de rien qui nous mène toujours vers un abri

 

Mais l'herbe tout à coup semble plus verte au loin
On quitte le sentier, on piétine le foin
On nargue pour de bon les sapins tutélaires
Ces vieux arbres-dragons tout noircis de colère

On invente un chemin, on suit une fourmi
Un jour dans le gazon on trouve un papillon
Une elfe ou une fée ou même un hérisson
Et l'on sourit, conquis, par ce nouvel ami

A deux le temps est court et l'on oublie parfois
Qu'on parcourt un chemin qu'on ne reprendra pas
On ignore où il va mais on le prend quand même
Là où nos pas nous mènent, je te suis car je t'aime

Quand les orages grondent au ciel de notre vie
Les destins se séparent, on n'a plus qu'une envie
C'est reprendre la route, repartir au hasard
Sans tracer de sillon et sans suivre de phare.

Un jour ou l'autre on croise un grand ruban d'asphalte
Qu'on emprunte illico sans plus jamais faire halte
Se mêlant aux humains sans jamais les connaître
Tous errant en tous sens, sans loi, raison, ni maître

Pour quitter l'autoroute il faut payer comptant
Et passée la guérite se sentir tout content
Retrouver le sentier vieux, mystérieux, secret
Qui nous ramène enfin au sein de la forêt

Source image Erik Johansson

 

 

Champagne ! [.]

 

 

Source image www.cepdivin.org

 

CHAMPAGNE !

P’tit bouchon

Léger comme une bulle

P’tit mignon

Joli comme un tulle

Tu pétilles et tu sautilles

Tu n’es pourtant pas une fille

P’tit flonflon
Bon comme un nougat
P’tit bonbon
Fou comme une rumba
Tu fuis tu fonds dans la bouche
Au fond j’ trouve ça un peu louche

P’tit ronchon
Têtu comme une buse
P’tit grognon
Amer comme une Suze
Tes bêtises et tes caprices
N’affadissent pas tes délices

P’tit trognon
Tourné comme une fille
P’tit garçon
Viens donc viens jouer aux billes
Aux autos aux dominos
Puis à la bête à deux dos

Vis-je ? [.]

 

Source image www.skipass.com

VIS-JE ?

Vertige
Vertige
J'ai passé l'âge
J'ai pansé l'ange

Vestige
Qu'y puis-je ?
Le pont se longe
La pince à linge

Voltige
Qui suis-je ?
Reine de Norvège
Veine qui se venge

Vingt piges
En ris-je ?
Mais fusse en songe
Je ne fus sage

Vainquis-je
L'aurige ?
Vain cas d'orage
En-cas d'oronges

Vomis-je
Edwige ?
Les dieux corrigent
Qui les dérange

  

 

La voie lactée [.]

 

 

Source image www.maion.com

 LA VOIE LACTÉE

Quand la nuit vient les soirs d'été
Je vais dehors et je m'étends
L'herbe du pré là-bas m'attend
Au coeur de cette immensité


Quand vient la nuit, le ciel est blanc
Rempli d'étoiles et de clarté
L'obscurité n'est que néant
Mon coeur n'est plus que liberté


Quand vient la nuit, moi le terrien
Je ne suis plus qu'une fourmi
Je plonge au sein de l'infini
Je disparais, ne suis plus rien


Quand la nuit vit, moi je me meurs
Et me transforme en galaxie
Mon coeur s'envole et n'a plus peur
De tout ce qui se passe ici


Quand la nuit pleure, moi je souris
Elle est vaincue, elle m'appartient
Et de là-haut, moi je revis
Je la survole et la contiens


Quand la nuit meurt, je meurs aussi
L'aube revient, les astres fuient
Dans mon lit d'herbe, je m'endors
Laissant l'univers à son sort.

 

 

Chiromancie [.]

 

  CHIROMANCIE

 

Comme la bohémienne lisant un avenir
Dans le creux d'une main
Je lis dans ton sourire
Ton présent, ton passé, qui tu étais naguère
La fillette et la femme, et l'épouse et la mère

La ligne de ta chance bien souvent fut brisée
Le malheur sur ta vie
Fréquemment est tombé
La trahison, la peine, la maladie, le deuil
Ont entamé tes forces mais jamais ton orgueil

Ton visage ridé, lu comme un livre ouvert
On y voit la bonté
L'aura d'une âme fière
Tes yeux bleus délavés de tant rire et pleurer
Ont plissé ton sourire de mille et un reflets

Ta ligne des amours s'étire longue et belle
Par pudeur tu me tais
La belle demoiselle
Qui fit tourner les coeurs de ses amants d'antan
Tu peux bien me le dire, il y a si longtemps

Tes cheveux ont blanchi, tes pas ont ralenti
Mais ton rire toujours
Est celui d'un petit
D'un enfant comme ceux que tu as mis au monde
Epanouie et mûre comme une pomme ronde

La ligne de ta vie s'est coupée aujourd'hui
Jadis la bohémienne
T'avait juré, t'avait promis
Que tu vivrais cent ans, tu y as toujours cru
Elle t'a trompée tant pis et moi, je suis perdue.
 

Source image blog.voyagesmillebornes.com

 

J'aime les gens [.]

 

Source image ffffound.com

J'AIME LES GENS

 
J'aime les gens gentils
J'aime les gens polis
Ceux qui disent monsieur
Ceux qui disent merci
Regardent dans les yeux
Et ceux qui me sourient

J'aime les gens heureux
Qui n'se font pas d'cheveux
Et qui croient en demain
Je ne suis pas autiste
Je suis presque un artiste
J'aime le genre humain

J'aime les vieux pépés
Leurs visages ridés
Toute une vie inscrite
Et j'aime les bébés
Leurs petits bras levés
Qui disent porte-moi vite

J'aime les chiens les chats
Les poissons les tortues
Aller au cinéma
Et marcher dans les rues
La glace au chocolat
Et te regarder nue

J'aime les gens la vie
J'aime le vent la pluie
Les rosiers de maman
Et les peintres flamands
Paris et l'océan
Et puis quand tu souris

J'aime les gens
J'aime les gens
J'aime les gens (Ad lib.)
 

Le tri sélectif [.]

 

Source image www.devis-demenagement.biz

 

 

LE TRI SÉLECTIF

 

C'est aujourd'hui que je le fais
Oui aujourd'hui c'est décidé
Grand nettoyage de printemps
De mon passé d'adolescent

Je jette en vrac à la poubelle
Quinze ans d'école et de lycée
Mes jeux mes bandes dessinées
Et toutes mes affiches oui celles
Avec des filles déshabillées

Je jette aussi et sans regrets
Les cours de gym et les récrés
Quand les plus grands me tourmentaient
Les heures creuses les heures vides
Les cours et les leçons arides

Pourtant je garde pour demain
Mon coeur d'enfant tout plein d'entrain
Ça peut servir je le sais bien
Car être un homme pour de bon
C'est parfois rester un peu con

Je garde aussi oui c'est certain
La tendresse et l'amour enfin
Que j'ai reçus si forts si grands
Et je savais petit enfant
Que jamais je n'en aurais faim

C'est aujourd'hui que je le fais
Oui aujourd'hui c'est décidé
Grand nettoyage de printemps
De mon passé d'adolescent